Méditer l’espace – I


J’aime bien méditer l’espace. J’aime le sentir autour de moi, ses caractéristiques, l’ambiance qu’il génère, les émotions qui me viennent à son contact. Je pense souvent aux espaces blancs des musées. Nota bene : je visite principalement les musées d’art traditionnels, caractérisés par une collection d’objets historiques à mettre en valeur et présenter au public. Je dois encore étendre mon expérience en visitant des musées thématiques, des musées d’art contemporain, où il semble bien que l’espace est conçu tout différemment. Revenons à notre cube blanc. Je ne peux mentir et dire qu’il me déplaît entièrement ; je l’aime surtout quand il est vraiment vide. Le musée est un lieu public, bien sûr, mais je ne peux m’empêcher de tenter une méditation devant l’une ou l’autre image qui m’attire, et le surgissement, brutal, d’un autre visiteur équivaut, pour mon âme délicate d’introvertie, la pire des intrusions. À ce prix, je préfère qu’il y ait du monde, pour éviter les mauvaises surprises.

Bref, je l’aime quand même cet espace, et je sais bien que sa fonction n’est pas vraiment d’inviter à la méditation. C’est tellement intime, de méditer, de rêver, de se laisser porter par son imagination au contact d’une image. Elle peut nous révéler tellement sur nous-mêmes, sur nos plis intérieurs, quand on lui laisse le temps. Donc le cube blanc, oui, j’accepte, même si je rêve parfois d’une autre pensée de l’espace pour la médiation de l’art. Déjà, très simplement, il faudrait plus de sièges. Autant de sièges que d’images, pour le moins. Il faut pouvoir aménager son corps confortablement pour offrir à son esprit tout le loisir de la contemplation. Et peut-être des plus petits espaces aussi, des parcours, un peu labyrinthique, plus intimistes dans leur conception : ce serait l’occasion de raconter une histoire, d’un tableau à l’autre, de créer un dialogue dans l’espace et le temps, de proposer une véritable approche de la mise en relation des images. Le cube blanc, ce sont quatre murs tapissés, quatre murs qu’on prend forcément (ou presque) de droite à gauche ou inversement. On fait le tour de la salle, et on change de salle. C’est linéaire, tellement linéaire. Et puis souvent, les salles présentent un courant artistique, un artiste, une période – je ne dis pas, bien sûr, que la mise en relation d’images très proches n’engendre rien, mais ce serait drôle, ce serait dérangeant, ça porterait à la question d’assembler des images qui n’ont rien à voir. Trouver des liens, jouer aux associations, c’est bien le propre de notre nature. On a un esprit fait pour le jeu. Et on le fait très bien : peu importe quoi, on trouve toujours des liens entre les choses qui se présentent.

Mais l’espace est comme il est, et je médite aussi sur ce qu’on peut, en nous-mêmes, développer comme jeu, comme outils, pour faire de l’espace donné un espace vécu très différent. Et bien sûr, c’est le grand thème de la médiation : il y a un service pour ça, dans l’organigramme du musée, c’est une de ses missions bien sûr. Pour les enfants, des visites ludiques et des ateliers peinture, pour les adultes des visites guidées et des conférences. C’est une offre qui me plaît, mais comme toujours, je voudrais plus. Pourquoi pas un atelier de peinture pour les adultes ? Une visite guidée en dessinant ? Un petit carnet de médiation avec des suggestions de parcours, d’associations (littérature, film, musique, les possibilités sont infinies). Certains musées, les plus grands, proposent certaines activités dans cette direction. Mais je reste convaincue que la médiation devrait être beaucoup plus présente. J’aime des salles vides pour me balader dans ma tête, d’une image à l’autre. Je prends le temps devant un tableau, parfois une heure, même deux. J’ai appris à laisser le temps. À utiliser l’image comme un prétexte de tant d’autres cheminements. Mais je vois comme l’espace lui-même, cette suite linéaire de tableaux aux murs, avec un petit cartel informatif, minimaliste, peut imposer une certaine approche, le tour d’une salle, rapide, le saut d’un tableau à l’autre, la photographie du cartel, de l’œuvre, l’arrêt d’une seconde, le zapping, en fait. Et c’est dommage. Je suis sûre que déjà, avec plus de bancs… À suivre.

Vinciane Vuilleumier


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